La file

La file d’attente est un symbole tout à propos pour cette phase dans la crise que nous vivons. Devant l’épicerie, la pharmacie, la quincaillerie, la SAQ, nous attendons. Comme nous attendons aussi de nouvelles consignes, de nouvelles statistiques, des versements d’argent, le beau temps, le livreur, l’ouverture des magasins, un vaccin, un retour à une vie normale…

Du jour au lendemain, une grande part d’entre-nous avons d’ailleurs libéré notre horaire « normal » d’une immense part de ce qui l’accaparait: les heures de pointe, les heures punchées, les heures perdues entre deux meetings, les meetings à la machine à café, les cafés qu’on attend pour emporter pressé avant de reprendre la course pour finir les courses, les cours de-ci de-ça, la broue dans l’toupet, pis les pétages de coche parce… qu’on ne trouve jamais de temps pour soi.

Eh! bien voilà! Du jour au lendemain, cette sédentarité intensive qu’on nous a imposée, contre toute attente, nous a forcé, dans l’attente, à un retour en chez-soi… qui ne libère pas toujours tant de temps que ça finalement…

C’est parce que les heures libres s’évadent aisément dans le temps des choses de la vie en soi : dormir, manger, bouger, garder sa maison et sa personne propres, solides, en santé, mais aussi partager, aider, aimer. Limités à l’essentiel, on retrouve un nouveau rythme, plus doux, moins empressant, usant de tout ce temps retrouvé pour aérer le temps dédié aux gestes essentiels.

Je ne sais pas si nous attendrons encore longtemps en file devant les magasins, je ne sais pas combien de temps il faudra pour reprendre une cadence « normale ». J’espère seulement que si cette crise puisse nous rapprendre un tant soit peu à distinguer à nouveau ce qui nous est essentiel, comme besoins, comme denrées, comme gestes, elle puisse aussi nous apprendre à prendre notre temps. 

Sinon, je ne vois pas à quoi aura servi toute cette attente…