Étrange réveil dans une ville où, si ce n’était des débris calcinés que nettoient les employés municipaux sur Passeig de Gràcia, on pourrait croire que rien de bien grave ne s’est passé hier.
Je suis toujours étonné de voir comment on peut tout à fait ignorer les crises qui se déroulent à quelques centaines de mètres… Si ce n’était du bruit incessant des hélicoptères, on pourrait croire que tout est normal à Barcelone et qu’il n’y a pas eu d’émeutes (somme toute assez limitées et par beaucoup alimentées par les charges policières) la nuit dernière. La vie suit suit son cours, pourtant…
Aujourd’hui, les universités sont en grève et les jeunes jouent au chat et à la souris avec les « piolíns » (surnom donné aux agents de la garde civile depuis 2017 en référence au gigantesque Tweety Bird qui ornait le bateau affrété pour héberger les policiers durant le référendum).
Quand les hélicoptères les survolent, les jeunes les sifflent et les huent. Toute la matinée, j’ai suivi un groupe de quelques cinq cents étudiants entre 14 à 25 ans. Ils crient qu’ils n’ont pas peur, « No tenim por », et pourtant, ils se masquent le visage et ralentissent lorsqu’ils voient des policiers le bouclier à la main. J’en fais autant, jamais totalement à l’aise devant cette drôle d’armée de Darth Vaders aux compétences de Stormtroopers.


Au passage de la manifestation, les casseroles résonnent sur les balcons et les sourires s’accrochent aux visages des plus vieux, des plus vieilles, qui les regardent marcher, sur le trottoir, en partageant leur cri d’indépendance, leur refus de l’autocratie, leur volonté de révolution pacifique, leur demande de liberté et de changement social.
De partout en Catalogne, depuis ce matin, ils sont des milliers à marcher vers Barcelone pour rejoindre ces jeunes qui les attendent. Vendredi, des centaines de milliers de personnes convergeront vers une immense manifestation visant à contester les sentences abusives et le refus de l’Espagne et de l’Europe d’entendre les revendications des indépendantistes.Ce qui se passe ici n’est pas un acte isolé. C’est toute la volonté d’un peuple d’en finir avec le pouvoir considérable d’un État central autoritaire, armé, qui refuse de respecter les volontés démocratiques de sa population. Ici, c’est l’Espagne, mais le combat des Catalans fait écho à celui mené à Hong Kong, en Algérie… voire même chez-nous alors que ce sont les enjeux écologiques qui priment, et qui se buttent à de pareilles limites démocratiques, à de pareils blocages d’une oligarchie qui contrôle notre destin au profit d’un pouvoir susceptible et violent.
Partout, ce qu’on entend ici, ce qu’on lit dans la presse et auprès des organisations citoyennes, c’est que ce qu’on voit n’est toujours encore que le début. Car plus Madrid se rebute, plus la colère et l’indignation monte en Catalogne. Et ces jeunes qui marchent aujourd’hui porteront longtemps cette colère et cette indignation.
Ce n’est que le début…