« Bin non »

J’avais prévu dédier une prochaine #Chroniqueconfinée à l’amitié.

Je voulais évoquer les cercles qui s’éloignent et ceux qui se rapprochent au gré de cette année qui a passé aussi vite que lentement. Je voulais regarder à travers la bulle fragile de notre sphère sociale dont les frontières se redessinent, brasser la boule de ce petit monde dépeuplé pour voir au-delà de cette année isolée.

Je voulais raconter comment j’anticipais autant que je le souhaitais le jour où l’amitié reprendrait tous ses droits. Je voulais imaginer nos prochains rassemblements, un peu maladroits, un peu gênés, ces retrouvailles comme de nouvelles premières fois, ces soirées qu’on espère, et dont on sortira, en même temps, fatigués et revigorés. Je voulais dire que je regrettais de ne pas avoir vu grandir les plus jeunes de mes amis, et ne pas avoir pu veiller sur les plus âgés d’entre eux.

Je voulais écrire un texte plein d’espoir, gonflé de printemps, pour dire que je n’ai jamais rien eu d’aussi précieux que mes amis et ma famille. 

Mes amis, ma famille, la même chose.

Puis voilà que la vie, avec la mort qui vient avec, a changé le sens de mes idées. Je ne sais plus quoi écrire. Il n’y a rien à dire.

Mon ami. Mon grand frère. François. Ledz.

Parce que c’était toi, parce que c’était moi.

Complice des grandes joies, compagnons des longues tristesses, inséparable camarade de ma vingtaine, mon ami pour l’éternité.

La fin de semaine avait des airs de novembre. Joli temps pour le deuil. Un brouillard comme un rêve duquel je peine à émerger.

Je ne peux pas te cacher que je l’ai imaginée souvent cette mort abrupte, cette mort jeune. J’anticipais, depuis longtemps, que tu serais sûrement le premier d’entre tous à nous quitter. Je l’entendais siffler, la mort, autour de toi, à travers toi. Mais je ne peux pas croire qu’elle ait eu raison. Je ne peux pas accepter le sort absurde de te voir mourir au lendemain de ton quarantième anniversaire.

Ledz, pilier si solide, si fort et si fiable. 

Je ne parviens pas encore à imaginer que tu ne vivras plus que dans notre mémoire. Je ne veux pas croire qu’on ne pourra plus se fabriquer ensemble de nouveaux souvenirs. Je ne peux pas concevoir de ne plus jamais t’entendre rire à mes bêtises, de ne plus recevoir tes conseils de ta voix tempérée qui parlait toujours du cœur.

Ledz, grand gars magané, toujours un peu brisé, si doux et si mélancolique.  

On s’était éloignés ces dernières années. Oh! que j’espérais que tu fasses partie du grand retour à la vie d’après cette pandémie. Eh bien, t’as trouvé le moyen de ne plus jamais me quitter, de rester pour toujours autour et en nous. Je sais que tu vas veiller sur ceux que tu as tant aimés, ceux qui t’ont tellement aimé, comme tu l’as toujours fait.

Mon ami. 

«Bin non.»